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la dualité: bonheur/malheur
« Lorsque le malheur touche l’homme il est plein d’impatience;et lorsque le bonheur l’atteint, il devient insolent.
bonheur naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur
On n'est jamais si malheureux qu'on croit ni si heureux qu'on avait espéré.
Le vrai bonheur coûte peu; s'il est cher, il n'est pas d'une bonne espèce.
Patrimoine bâti, développement durable et projet local
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Patrimoine bâti, développement durable et projet local
Nadir BOUMAZA
Professeur des Universités,
chercheur PACTE Territoires, CNRS, Grenoble
Résumé :
Notre communication abordera la question de la requalification du patrimoine bâti en Algérie et dans les pays de la région à partir de la problématique générale du développement nécessairement durable et de ce qui y est associé comme difficultés stratégiques, socio- culturelles et actionnelles rencontrées par les institutions comme par les acteurs sociaux.
Nous référant à la problématique du projet local (Magnaghi, 2004, Choay, 2006), et aux nombreuses synthèses constituées à l'échelle internationale, sur la question du patrimoine et sur les démarches de requalification (Valat et alii, 2007, Pagand, Pelegrino, 2010 , Guichard Anguis, 2003), nous proposerons tour à tour:
1, une lecture des difficultés structurelles liées aux représentations comme aux intérêts constitués sur les plans politique, économiques et culturel,
2, un examen des articulations à construire entre les démarches de requalification et de revalorisation et les processus de transformation et de modernisation portés par les Etats et mis en oeuvre par des groupes sociaux,
3, une démarche progressive organisée autour des principes de l'expérimentation et de la mobilisation d'acteurs,
4, quelques nécessités comme celles :
a- de l'introduction de démarches de connaissance scientifique et de mise en place de cadres de réflexion appuyée sur le savoir, l'expérience et les capacités des institutions et de la société et organisée dans des structures souples à mettre en place aux différentes échelles fonctionnelles (ministres concernés, grands établissements, cadres de programmation des services exécutifs, communes,
quartiers et secteurs patrimoniaux spécifiques,
b, de l'évaluation constructive du pragmatisme actionnel consistant à privilégier les situations d'action (opportunités de programmes, mobilisation consécutive à des événements graves, mobilisation d'acteurs locaux dans un contexte donné, ..),
c, de la mise en phase des intérêts conflictuels constitués pour régler des questions graves,
d, de la relance de la valorisation du patrimoine aux problématiques locales de maîtrise des processus d'urbanisation et de définition progressive d'éléments de projet local impulsés par les mutations contemporaines.
Plus fondamentalement, nous tenterons une contribution à l'explication du délaissement des héritages à l'échelle de l'histoire présente et moderne par la convocation des dimensions de temporalité et de séquence historique des pays et principalement des sociétés.
La nécessaire mobilisation(Balbo et alii, Médinas, 2030, L'harmattan, 2010) en faveur du développement durable et du positionnement des pays du Maghreb dans le contexte de la mondialisation servira in fine à situer les perspectives de requalification du patrimoine comme champ de reconstruction des cultures et des identités dans un rapport moderne à la tradition et aux héritages qui organiserait la transition de la gestion des pouvoirs vers des partenariats Etat, collectivités locales conformes aux principes contemporains de bonne gouvernance.
Quelques références concernant le patrimoine:
Ancien membre de la commission du Patrimoine et des sites de la région Rhône Alpes,France
2008, Sauvegarde des médinas et durabilité urbaine, communication introductive au séminaire de Constantine
2007, juin, Cinq questions sur les centres historiques des villes du monde arabe, CNRPH, Alger, capitale culturelle du monde arabe,
2007, La renaissance des quartiers anciens comme facteur de pérennisation, in, Valat et ali. La pérennité urbaine ou les transformations de la ville contemporaine, L'harmattan, 2007,Vol 3.
2007, 17 février, Conférence, pour le Ministère algérien de la ville, Alger, La politique de la ville : principes et méthodes pour l’action
2006, Ville réelle et ville projetée. Fabrication urbaine au Maghreb, Maison neuve et Larose, Paris, septembre 2006, 5642 pages, direction de l’ouvrage, (Nadir BOUMAZA et alii.)
2007, La renaissance des quartiers anciens comme mode de continuité urbaine, Communication au séminaire International du Comité Français de Géographie, Commission Villes et métropolisation, Nanterre, sur la Pérennité urbaine
2006, Ville réelle et ville projetée. Villes maghrébines en fabrication, direction de l’ouvrage, et contributions, Maisonneuve et Larose, 642, p.
2005, « L’anthropologie au secours de la ville . Relectures de Jacques BERQUE ». Cahiers de recherche du CJB, n°3, Anthropologie du Maghreb, II, juillet 2005,16p.
2004, Question du patrimoine et patrimonialisation, p.3-5, Brouillons de recherche du CJB, Rabat,
2004, De Jacques Berque à la ville présente. De la ville éclatée à la continuité des structures. Séminaire International d’anthropologie, Fès, Centre Jacques BERQUE, 2004
2003, L'environnement comme patrimoine, Communication à la journée du patrimoine. Direction régionale de la Culture, Rabat,
2003, Expérience occidentale et sauvegarde des médinas au Maghreb, in Regards croisés sur la patrimoine, M. GRAVARI-BARBAS, et M. GUICHARD-ANGUIS, Ed. de la Sorbonne, Paris, p117-134
2003, Direction de thèse de Naima BENKARI, l’architecture religieuse ibadite, Mzab (Algérie), Djerba (Tunisie), Oman
Du Cadi à l’aménageur, Les services publics au Maghreb et au Machrek, eds C. CHANSON-JABEUR, P. RIBAU, A. Prenant, B. SEMMOUD, L'Harmattan,
1999, L’émergence d’acteurs intermédiaires de l’urbanisme au Maghreb. : l’exemple de la sauvegarde des médinas de Fès et de Tunis. In L’urbain dans le monde arabe. Politiques, instruments et acteurs. Sous la direction de Pierre SIGNOLES, Galila EL KADI et Rachid SIDI BOUMEDINE,. CNRS Editions. IREMAM. Collection «Etudes" de l’Annuaire de l’Afrique du Nord.1994, Organisation et Introduction au séminaire « Patrimoine bâti du Maghreb », IGA, Grenoble, Séminaire international,
1995, La question du patrimoine, Séminaire international, Fès,
1994, Sur les médinas, connaissance et intervention, Cahiers d’URBAMA, CNRS
1992, Communication au séminaire pour le 25ème anniversaire de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis
1992, Nadir BOUMAZA, Karim MECHTA, Claude BEURRET, Maghreb, urbanisme et patrimoine, Edisud, Paris,
1989, Co organisation de l'exposition Médinas et ksour, Grenoble, Musée dauphinois,
1989, Les médinas du Maghreb, une question majeure, Séminaire international sur les médinas, Université de Constantine.
Texte :
Notre communication abordera la question de la requalification du patrimoine bâti en Algérie et dans les pays de la région à partir de la problématique générale du développement nécessairement durable et de ce qui y est associé comme difficultés stratégiques, socio- culturelles et actionnelles rencontrées par les institutions comme par les acteurs sociaux.
2-Patrimoine et développement durable
2-1-La question patrimoniale (Poulot, D. 2006, L’Harmattan) par son importance (Boumaza, N.,2006), ne saurait être laissée au seuls enjeux ni de la conservation et de la valorisation d’héritages faisant l’objet d’appropriations sociales (les classes cultivées) , ni encore des intérêts de composantes des corps d’architectes, conservateurs qui peuvent en faire un « marché » spécifique ou de groupes sociaux passéistes ou nationalistes en mal l’idéologies modernistes.
Parce qu’elle permet la formalisation de grands enjeux culturels d’une nation, tel celui d’une modernité intégratrice des héritages, tout autant que les défis qui en résultent en matière de développement – nécessaire- cette question présente de nombreux intérêts économiques, sociaux, culturels et politiques.
Le patrimoine se définit en effet fondamentalement comme ensemble de biens et de richesses que toute vision économie moderne et productive, non rentière donc, impose de valoriser à travers des politiques actives de dynamisation de filières de production et de service (immobilier, bâtiment, décoration, .). Les héritages matériels et immatériels constituent également des cadres fort prisés du tourisme culturel tout autant pour l’accueil que pour la visite et le déploiement de la fête et de la convivialité. La valorisation des héritages ouvre ensuite de façon illimitée, les champs de la connaissance des biens, de leur histoire et de celle des acteurs sociaux historiques et présents., alimentant ainsi les pratiques culturelles et les processus d’identification. Sur le plan social ensuite, le patrimoine peut favoriser dans la ville comme dans les espaces ruraux, et dans les corps de métiers, la rencontre et l’échange entre groupes sociaux et individus fort divers dès lors que le champ de la patrimonialisation est défini anthropologiquement, dans un sens large donc, comme signifiant des universaux culturels dans lesquels les gestes, objets et expressions les plus communs égalent symboliquement les biens les mieux côtés sur les marchés de la distinction.
Nous considérons ainsi le patrimoine comme paradigme et comme outil du développement durable, dont il permet de conjuguer aisément les trois piliers (le social, l’économique et l’environnement).
2-2-La protection et la valorisation du patrimoine constituent l’un des ressorts de la durabilité qui requiert un primat de la place donnée à la connaissance.
Le patrimoine bâti comme le patrimoine immatériel connaissent un état déplorable dans l’ensemble des pays arabes et africains et ce, à la mesure des situations économiques et environnementales.
Ainsi les médinas continuent elles de se dégrader inéluctablement malgré les interventions ponctuelles liées aux progrès du tourisme qui ne concernent que des parties limitées des fragments limités des cités anciennes de Tunis, Hammamet, Sousse, Mahdia, Marrakech, Fès, et Essaouira. Cette dégradation concerne également les héritages coloniaux largement plébiscités en matière d’habitat et de commerce avec les indépendances mais soumis depuis une vingtaine d’années à une dégradation accélérée dont les causes sont socio- économiques et politiques du fait du manque d’études sérieuses et de décisions courageuses et cohérentes de requalification.
La connaissance des sites anciens et plus largement de l’histoire ne progresse que de façon extrêmement limitée même pour les périodes islamiques sensées être mieux étudiées par les Etats nationaux que par les gens de la colonisation. Et cela concerne également les sites archéologiques et les musées, la muséographie et l’archéologie au Maghreb et dans l’ensemble du monde arabe étant dans un état pour le moins de stagnation ou de longue léthargie sinon de régression pour des raisons d’incurie et de mauvaise analyse de l’importance de la chose et non pas pour des raisons économiques.
Loin de constituer un privilège de pays riches ce que l’Algérie est sur le plan financier, la valorisation du patrimoine qui passe par sa connaissance et son étude a toujours caractérisé les sociétés avancées et en développement du fait que la connaissance de soi et de son histoire permet, renforce les identités et les capacités d’appréhender la modernité et le futur. Ainsi en est il de la méconnaissance de l’histoire des sociétés maghrébines dont les avancements partiels et fragmentaires tiennent principalement aux individualités intellectuelles voire à des dynamismes de petites institutions isolées et mal soutenues par les gouvernements. Si les efforts publics ne manquent pas ici et là en termes d’engagement programmatique, lequel est important en Algérie depuis la mise en place de la Direction générale de la recherche scientifique et de l’innovation technologique, la question des choix scientifiques reste posée dans l’ensemble des pays du monde arabe où la connaissance historique reste enfermée dans les représentations culturelles et idéologiques des élites politiques et administratives faute de débats sur la culture et sur les fondements des nations et des Etats qui en ont l’organisation, la gestion et la responsabilité. Nous poserons ainsi à la suite des analyses de l’ensemble des institutions internationales dans lesquelles sont impliqués les gouvernements africains, la question majeure de la nécessaire activation des interactions entre développement de la connaissance , valorisation du patrimoine et développement durable par l’encouragement de la recherche historique. Cela impose l’engagement de politiques qui mettent la connaissance et l’expertise scientifiques au cœur de l’ensemble des institutions, procédures et programmes de valorisation du patrimoine, la mobilisation des moyens humains et financiers pour la connaissance fondamentale et appliquée étant importante et déterminante du succès à court et à long terme. Car en effet et cela appelle un large et profond débat, la valorisation du patrimoine ne peut résulter de sa réduction au champ des techniques et des procédures que celles ci portent sur l’architecture, la construction ou l’environnement renvoyant en cela comme ailleurs aux grandes leçons tirées par les meilleurs spécialistes de la question , principalement par Françoise CHOAY dans sa critique de la Convention mondiale du patrimoine et dans son analyse radicale des politiques et des démarches « techniciennes » qui font donnent la prééminence aux technologies et à l’effacement de l’existant au détriment des cultures, de l’histoire et de l’homme. « Par patrimoine, écrit elle , il faut comprendre les monuments, les anciens établissements agricoles, les petites villes, les paysages et les réseaux hydrauliques aussi bien qu’un patrimoine d’activités économiques et sociales locales (agricoles, artisanales, etc.). Mais la condition d’une réappropriation de ces constructions et de ces pratiques réside dans le troisième terme de More, dont nous n’avons pas parlé, le projet. Celui-ci doit être conçu comme respect et fidélité au passé des lieux et des communautés qui les aménagèrent, mais il doit aussi être assumé comme innovation à venir, projetée dans le futur par les acteurs locaux, si divers ou opposés soient-ils ».
Encore faut il cependant que l’utopie puisse fonctionner pour le territoire de référence des groupes humains tant les représentations locales et collectives sont aujourd’hui déterminée par les institutions globales et surtout par les logiques de marché et de communication. Nécessitant une connaissance minimale et partagée des processus et des lieux cette définition du projet est loin d’être aisée même dans les conditions de développement permettant la maîtrise sociale et démocratique minimale du rapport des groupes à leur espace de référence.
Dépossédées des savoirs vernaculaires et collectifs locaux qui sont délégitimés et dévalorisés par les processus économiques et culturels, les sociétés du sud connaissent une aggravation de leur perte de contrôle. Elles dépendent de façon croissante de décisions et de pouvoirs externes que les Etats tendent contribuent le plus souvent à surimposer.
3- Le patrimoine objet de transformations nécessaires est une composante des systèmes constitués et des écosystèmes
3-1-L’un des modes de fétichisation du patrimoine consiste à la détacher de l’environnement et à en organiser la sublimation au service de groupes du point de vue du fonctionnement de la mémoire collective (Halbwachs, M.) . Le « culte du patrimoine » (Riegl, A., 1903, , en est le fondement paradoxal qui se concrétise dans le travail social de conservation et de protection. Le patrimoine n’est comme tel qu’à partir de sa transformation à travers les actes divers qui l’instituent. (1992) C’est par exemple ce qu’ a pu montrer dans son travail de thèse Pierre Marie TRICAUD (2010) avec les exemples qu’il a étudiés en s’appuyant notamment sur le travail de Françoise Choay, « l’enjeu d’un patrimoine est sa transmission : celle-ci entre dans la définition même du mot patrimoine, (..). La conservation n’est qu’un moyen au service de la transmission. Or il peut arriver que conservation et transmission entrent en conflit. Ainsi, on peut essayer de conserver un patrimoine en le rendant le plus solide possible sans qu’il y ait besoin de personne pour le gérer : on le conserve, mais on ne le transmet pas à de nouveaux gestionnaires. À l’inverse, la transmission implique le plus souvent une transformation,. « et la conservation « part de l’acceptation que « ce qui a été ne pourra plus jamais se reproduire » (Riegl), qui fonde les théories de Ruskin, de Riegl ou de Brandi .. »
Le patrimoine apparaît ainsi en externalité aux milieux dans lesquels il a été ainsi constitué alors que son origine même s’y réfère et qu’il est la résultante d’interactions positives et créatrices entre les milieux et les sociétés passées et présentes.
3-2 Nous défendons pour cela le principe de continuité systémique entre le patrimoine défini par ses objets et par ses acteurs et les milieux dans lesquels il s’inscrit. Loin de constituer une trace ou une marque du passé et d’être ainsi différencié du présent, le patrimoine constitue en principe, par sa modernité même, l’état du « milieu » ou de la « nature » de façon équivalente à ce que Augustin BERQUE appelle la « fabrication de la nature » instituée – différemment- dans la société chinoise comme dans la société japonaise.
Plutôt donc que de considérer le patrimoine comme une composante parmi d’autres, des éco-systèmes locaux (de l’oekoumène , donc) , nous défendons l’idée que le patrimoine constitue une clef stratégique de compréhension des structures et des dynamiques des écosystèmes.
Le patrimoine urbain ne pourra être de ce fait réduit à l’héritage de périodes historiques considérées comme significative d’une composante civilisationnelle passée. Il associera des réalités multiples constituées autant des espaces significatifs de modes constructifs et de rapports donnés, culturels , historicisés- (la « médina », la ville « européenne » , les « Zhun » , tel quartier « informel » comme Tandja à Setif, Boudghène à Tlemcen, ., Dubaï à El Eulma, etc. ) que de « culturalités » caractéristiques et constitutives des villes et des « quartiers » ruraux considérés comme milieu au sens de l’Ecole de Chicago.
Il en découle des phénomènes de sacralisation et de spécification ségrégative de l’approche et de la jouissance du patrimoine dont l’appropriation par les élites ( conservateurs, spécialistes, classes cultivées) tend à disqualifier le « marais » des populations et des institutions, à diviser le monde social et à rapprocher les décideurs des classes « élues » dans une complicité légitimée par « la compétence culturelle » telle que mise à jour par la sociologie de Pierre BOURDIEU et par les travaux de Michele et Michèl PINçON sur les classes riches.
3-3- Les effets de ces mécanismes et processus d’instrumentalisation sociale du patrimoine indiquent l’intérêt de la critique sociologique et anthropologique des usages du patrimoine aux fins de l’examen des enjeux et des pistes d’action de promotion et de valorisation des patrimoines tels que définis plus haut.
Nous proposons pour cela d’enrichir l’étude des conditions sociales de la patrimonialisation, par son inscription dans l’environnement entendu au sens le plus large c’est à dire en le considérant comme une composante structurante de l’oekoumène.
La question patrimoniale nous permet ainsi de dépasser les différenciations et segmentations communes qui sont faites entre milieu naturel et espace construit et d’associer les enjeux de préservation et de valorisation du patrimoine à ceux de la préservation des milieux dits naturels, physiques, biologiques, lesquels milieux sont constitués par la ville, la campagne, etc.
Cela permet ensuite de traiter les questions concrètes de dégradation et de « régression » des milieux dits naturels c’est à dire de questions environnementales physiques d’une part (érosion, pollution, fragilité des milieux face aux changement climatique,..) et de « désordres » socio-économiques ou socio-spatiaux (régression des économies paysannes et locales, disparition alarmante de l’artisanat, remplacement du commerce de grande échelle et de civilisation par l’association du commerce spéculatif d’affaires et de l’informel de rue,..).
Plus gravement, la situation des patrimoines pâtit d’une substitution généralisée des systèmes productifs industriels constitués selon les modèles des années 50/60 aux savoirs faire et compétences traditionnels. Loin de fonctionner indépendamment des autres systèmes bâtis et de l’économie de la construction et de l’immobilier, les biens patrimoniaux ordinaires, immeubles locatifs et bâtiments privés et publics sont déterminés par le jeu de nombreux facteurs. Nous citerons par exemple la perturbation et les mutations problématiques et méconnues des statuts juridiques des biens, des marchés du logement, des matériaux de construction comme de la main d’oeuvre qui est dominée contradictoirement par de fortes pénuries de compétence, de qualification et de maîtrise, évolution inquiétante de l’état des biens qui, en sus des conditions d’occupation, souffrent du manque d’entretien etc.
4 La dégradation
4-1 Dans ce contexte, l’absence de politiques publiques constitue avec le poids important des ménages à faible revenu, le facteur majeur de dégradation et conséquemment de dévalorisation du bâti ancien par les ménages.
- Les insuffisances de définition de politiques publiques adéquates se traduisent dans les difficultés du Maroc et de l’Algérie à atténuer la crise grave et chronique du logement . Ces difficultés relèvent de causes complexes dans lesquelles les faiblesses et retards des systèmes productifs locaux (nationaux) (DPI, Royaume du Maroc, 2006) (IGHILAHRIZ, Said, 2011) , N. MOUSSA, Déclaration du Ministre de l’habitat, de la construction et de l’urbanisme…2011 , TALEB, Rachid, 2002 à répondre aux besoins résultant de la croissance démographique. notamment des besoins de modernisation et du renforcement des capacités de production du bâti insuffisantes eu égard aux très gros besoins de construction de logements et d’équipements
- Le « retard » de la production de logements qui est généralement expliqué par l’insuffisance du pouvoir d’achat des ménages tient de fait également à la faiblesse de l’offre elle même disparate et dûe à l’absence de structuration et de dynamique du secteur de la construction qui est dominé par des entreprises de type artisanal. Il en résulte plus particulièrement en Algérie, un recours important au marché international mais aussi une forte concurrence entre la demande de construction des ménages et celle des grands marchés publics et privés dans un contexte de retard historique et de faiblesses chroniques de la formation de main d’œuvre.
- Loin de constituer un domaine spécifique dont le traitement requiert une revalorisation ou une « réinvention » de métiers, compétences et produits disparus ou en voie de l’être, principalement en Algérie, le champ de la requalification du patrimoine traduit la gravité même des problèmes de de production et de fabrication de l’espace de qualité ajusté aux héritages et aux demandes de modernité. La valorisation de patrimoines aussi importants que délaissés , ceux de la Casbah d’Alger, de l’ensemble des médinas dont l’état est catastrophique- celle de Constantine en étant tristement exemplaire- ne saurait ainsi être posée en termes –simples- de décisions de protection et de requalification. Elle traduit d’abord l’évolution et la structure du rapport des populations et des institutions (famille, école, administration, organisations,..) à l’espace et à l’environnement physique, naturel, construit et culturel à partir duquel il s’agit d’interroger les questions de la réappropriation et de la « création » des savoir faire locaux que nécessitent aussi bien la demande de logement, de ville et de qualité spatiale que les impératifs de conservation et de requalification des héritages « extraordinaires » et ordinaires.
4-2-Sur les processus
La question patrimoniale quoique différente d’un pays voire d’une région à l’autre pose d’abord et avant tout le problème du rapport des sociétés « arabes », maghrébines, ..à la modernité. Ce rapport complexe et d’ordre anthropologique et historique, d’abord concrétisé dans le rapport au logement, à la construction, aux matériaux à l’espace public et aux matériaux, etc.. traduit le poids déstructurant et traumatisant des modèles exogènes dont la « nature » interfère avec l’histoire coloniale. Il s’inscrit de fait comme composante de « la question post coloniale » (Lacoste, Yves, 2010.
Ce rapport enclenché principalement avec les processus de colonisation est aggravé par des modes de croissance et par des choix et non choix des gouvernants. Ils caractérisent aussi plus largement ceux des groupes et élites qui commandent les systèmes de transformation.
La dégradation se traduit dans ce que nous nommerions le « vandalisme » généralisé et ordinaire, plus ou moins volontaire et en bonne partie généré par des dispositions et pratiques modernistes, impensées qui entérinent les réalités marchandes, culturelles et socio techniques par lesquelles le système des objets (BAUDRILLARD, J., Gallimard, 1968) instaure des habitus destructeurs qui instaure des comportements et réflexes destructeurs.
La conservation même si elle concerne un nombre de biens de plus en plus grand tend ainsi à recouvrir d’une part la détérioration de l’ensemble des héritages « environnementaux » (milieux, paysages et dynamiques)
4-3-Sur les causes du délaissement, nous renvoyons à des questions nombreuses telles celles :
- Des modèles de consommation qui privilégient à priori, les biens importés et définis dans d’autres cadres que ceux du « local »
- des rôles de l’Etat et de leur explication « matérielle » constituée par les « intérêts « et accords » ou sociale faite de « fatalité » ou de construction sociale historicisée dans la continuité de l’administration coloniale
- des liens entre patrimoine, économie, commerce, structures sociales et régime politique du poids des modèles, des processus internationaux tels que traduits par les politiques (externes et internes) et par les caractéristiques des élites et groupes dominants, facteurs et logiques parmi lesquels il y a lieu d’étudier les rôles de l »émigration à l’étranger et du tourisme de villégiature
- la valorisation urbaine et le patrimoine
5 Des principes de l’action durable sur le patrimoine
5-1 –L’inscription nécessaire de la question du patrimoine dans les champs de l’urbain et de l’économie durable
- l’urbain,et par extension, l’équipement, la construction, l’aménagement et la gestion
Du primat de l’expérience et de l’expérimentation
5-2-La durabilité déclinée dans l’action sur le patrimoine c’est :
- la priorité donnée à la dimension sociale et au patrimoine ordinaire et
commun
- la valorisation économique du patrimoine : l’approche
économique :
- créer de la valeur par la qualité et donner à la production de l’espace une
fonction centrale dans la définition des modèles, rompre avec les logiques
de croissance la loi sur la valeur du sol, sur la gestion immobilière sur le
statut des occupants, faire du patrimoine un cadre d’entraînement de la
société par les classes cultivées
5- 3- le rôle majeur de l’Etat et des collectivités locales,
le patrimoine et le développement
Les modèles
La coopération internationale comme outil
5-5-[La durabilité c’est le projet local inscrit dans une dynamique de consolidation du rôle de l’Etat
le projet local
la programmation nécessaire
capacité de programmation par agendas contractuels
priorités et programmations
la sensibilisation
un programme pour une exemplarité de l’Etat
la fiscalité et l’incitation à la jouissance du patrimoine
la formation et la recherche, les corps à constituer et à renforcer
Quelle mise en oeuvre
Les référentiels
Le débat après l’échange et la concertation
La contractualisation
Professeur des Universités,
chercheur PACTE Territoires, CNRS, Grenoble
Résumé :
Notre communication abordera la question de la requalification du patrimoine bâti en Algérie et dans les pays de la région à partir de la problématique générale du développement nécessairement durable et de ce qui y est associé comme difficultés stratégiques, socio- culturelles et actionnelles rencontrées par les institutions comme par les acteurs sociaux.
Nous référant à la problématique du projet local (Magnaghi, 2004, Choay, 2006), et aux nombreuses synthèses constituées à l'échelle internationale, sur la question du patrimoine et sur les démarches de requalification (Valat et alii, 2007, Pagand, Pelegrino, 2010 , Guichard Anguis, 2003), nous proposerons tour à tour:
1, une lecture des difficultés structurelles liées aux représentations comme aux intérêts constitués sur les plans politique, économiques et culturel,
2, un examen des articulations à construire entre les démarches de requalification et de revalorisation et les processus de transformation et de modernisation portés par les Etats et mis en oeuvre par des groupes sociaux,
3, une démarche progressive organisée autour des principes de l'expérimentation et de la mobilisation d'acteurs,
4, quelques nécessités comme celles :
a- de l'introduction de démarches de connaissance scientifique et de mise en place de cadres de réflexion appuyée sur le savoir, l'expérience et les capacités des institutions et de la société et organisée dans des structures souples à mettre en place aux différentes échelles fonctionnelles (ministres concernés, grands établissements, cadres de programmation des services exécutifs, communes,
quartiers et secteurs patrimoniaux spécifiques,
b, de l'évaluation constructive du pragmatisme actionnel consistant à privilégier les situations d'action (opportunités de programmes, mobilisation consécutive à des événements graves, mobilisation d'acteurs locaux dans un contexte donné, ..),
c, de la mise en phase des intérêts conflictuels constitués pour régler des questions graves,
d, de la relance de la valorisation du patrimoine aux problématiques locales de maîtrise des processus d'urbanisation et de définition progressive d'éléments de projet local impulsés par les mutations contemporaines.
Plus fondamentalement, nous tenterons une contribution à l'explication du délaissement des héritages à l'échelle de l'histoire présente et moderne par la convocation des dimensions de temporalité et de séquence historique des pays et principalement des sociétés.
La nécessaire mobilisation(Balbo et alii, Médinas, 2030, L'harmattan, 2010) en faveur du développement durable et du positionnement des pays du Maghreb dans le contexte de la mondialisation servira in fine à situer les perspectives de requalification du patrimoine comme champ de reconstruction des cultures et des identités dans un rapport moderne à la tradition et aux héritages qui organiserait la transition de la gestion des pouvoirs vers des partenariats Etat, collectivités locales conformes aux principes contemporains de bonne gouvernance.
Quelques références concernant le patrimoine:
Ancien membre de la commission du Patrimoine et des sites de la région Rhône Alpes,France
2008, Sauvegarde des médinas et durabilité urbaine, communication introductive au séminaire de Constantine
2007, juin, Cinq questions sur les centres historiques des villes du monde arabe, CNRPH, Alger, capitale culturelle du monde arabe,
2007, La renaissance des quartiers anciens comme facteur de pérennisation, in, Valat et ali. La pérennité urbaine ou les transformations de la ville contemporaine, L'harmattan, 2007,Vol 3.
2007, 17 février, Conférence, pour le Ministère algérien de la ville, Alger, La politique de la ville : principes et méthodes pour l’action
2006, Ville réelle et ville projetée. Fabrication urbaine au Maghreb, Maison neuve et Larose, Paris, septembre 2006, 5642 pages, direction de l’ouvrage, (Nadir BOUMAZA et alii.)
2007, La renaissance des quartiers anciens comme mode de continuité urbaine, Communication au séminaire International du Comité Français de Géographie, Commission Villes et métropolisation, Nanterre, sur la Pérennité urbaine
2006, Ville réelle et ville projetée. Villes maghrébines en fabrication, direction de l’ouvrage, et contributions, Maisonneuve et Larose, 642, p.
2005, « L’anthropologie au secours de la ville . Relectures de Jacques BERQUE ». Cahiers de recherche du CJB, n°3, Anthropologie du Maghreb, II, juillet 2005,16p.
2004, Question du patrimoine et patrimonialisation, p.3-5, Brouillons de recherche du CJB, Rabat,
2004, De Jacques Berque à la ville présente. De la ville éclatée à la continuité des structures. Séminaire International d’anthropologie, Fès, Centre Jacques BERQUE, 2004
2003, L'environnement comme patrimoine, Communication à la journée du patrimoine. Direction régionale de la Culture, Rabat,
2003, Expérience occidentale et sauvegarde des médinas au Maghreb, in Regards croisés sur la patrimoine, M. GRAVARI-BARBAS, et M. GUICHARD-ANGUIS, Ed. de la Sorbonne, Paris, p117-134
2003, Direction de thèse de Naima BENKARI, l’architecture religieuse ibadite, Mzab (Algérie), Djerba (Tunisie), Oman
Du Cadi à l’aménageur, Les services publics au Maghreb et au Machrek, eds C. CHANSON-JABEUR, P. RIBAU, A. Prenant, B. SEMMOUD, L'Harmattan,
1999, L’émergence d’acteurs intermédiaires de l’urbanisme au Maghreb. : l’exemple de la sauvegarde des médinas de Fès et de Tunis. In L’urbain dans le monde arabe. Politiques, instruments et acteurs. Sous la direction de Pierre SIGNOLES, Galila EL KADI et Rachid SIDI BOUMEDINE,. CNRS Editions. IREMAM. Collection «Etudes" de l’Annuaire de l’Afrique du Nord.1994, Organisation et Introduction au séminaire « Patrimoine bâti du Maghreb », IGA, Grenoble, Séminaire international,
1995, La question du patrimoine, Séminaire international, Fès,
1994, Sur les médinas, connaissance et intervention, Cahiers d’URBAMA, CNRS
1992, Communication au séminaire pour le 25ème anniversaire de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis
1992, Nadir BOUMAZA, Karim MECHTA, Claude BEURRET, Maghreb, urbanisme et patrimoine, Edisud, Paris,
1989, Co organisation de l'exposition Médinas et ksour, Grenoble, Musée dauphinois,
1989, Les médinas du Maghreb, une question majeure, Séminaire international sur les médinas, Université de Constantine.
Texte :
Notre communication abordera la question de la requalification du patrimoine bâti en Algérie et dans les pays de la région à partir de la problématique générale du développement nécessairement durable et de ce qui y est associé comme difficultés stratégiques, socio- culturelles et actionnelles rencontrées par les institutions comme par les acteurs sociaux.
2-Patrimoine et développement durable
2-1-La question patrimoniale (Poulot, D. 2006, L’Harmattan) par son importance (Boumaza, N.,2006), ne saurait être laissée au seuls enjeux ni de la conservation et de la valorisation d’héritages faisant l’objet d’appropriations sociales (les classes cultivées) , ni encore des intérêts de composantes des corps d’architectes, conservateurs qui peuvent en faire un « marché » spécifique ou de groupes sociaux passéistes ou nationalistes en mal l’idéologies modernistes.
Parce qu’elle permet la formalisation de grands enjeux culturels d’une nation, tel celui d’une modernité intégratrice des héritages, tout autant que les défis qui en résultent en matière de développement – nécessaire- cette question présente de nombreux intérêts économiques, sociaux, culturels et politiques.
Le patrimoine se définit en effet fondamentalement comme ensemble de biens et de richesses que toute vision économie moderne et productive, non rentière donc, impose de valoriser à travers des politiques actives de dynamisation de filières de production et de service (immobilier, bâtiment, décoration, .). Les héritages matériels et immatériels constituent également des cadres fort prisés du tourisme culturel tout autant pour l’accueil que pour la visite et le déploiement de la fête et de la convivialité. La valorisation des héritages ouvre ensuite de façon illimitée, les champs de la connaissance des biens, de leur histoire et de celle des acteurs sociaux historiques et présents., alimentant ainsi les pratiques culturelles et les processus d’identification. Sur le plan social ensuite, le patrimoine peut favoriser dans la ville comme dans les espaces ruraux, et dans les corps de métiers, la rencontre et l’échange entre groupes sociaux et individus fort divers dès lors que le champ de la patrimonialisation est défini anthropologiquement, dans un sens large donc, comme signifiant des universaux culturels dans lesquels les gestes, objets et expressions les plus communs égalent symboliquement les biens les mieux côtés sur les marchés de la distinction.
Nous considérons ainsi le patrimoine comme paradigme et comme outil du développement durable, dont il permet de conjuguer aisément les trois piliers (le social, l’économique et l’environnement).
2-2-La protection et la valorisation du patrimoine constituent l’un des ressorts de la durabilité qui requiert un primat de la place donnée à la connaissance.
Le patrimoine bâti comme le patrimoine immatériel connaissent un état déplorable dans l’ensemble des pays arabes et africains et ce, à la mesure des situations économiques et environnementales.
Ainsi les médinas continuent elles de se dégrader inéluctablement malgré les interventions ponctuelles liées aux progrès du tourisme qui ne concernent que des parties limitées des fragments limités des cités anciennes de Tunis, Hammamet, Sousse, Mahdia, Marrakech, Fès, et Essaouira. Cette dégradation concerne également les héritages coloniaux largement plébiscités en matière d’habitat et de commerce avec les indépendances mais soumis depuis une vingtaine d’années à une dégradation accélérée dont les causes sont socio- économiques et politiques du fait du manque d’études sérieuses et de décisions courageuses et cohérentes de requalification.
La connaissance des sites anciens et plus largement de l’histoire ne progresse que de façon extrêmement limitée même pour les périodes islamiques sensées être mieux étudiées par les Etats nationaux que par les gens de la colonisation. Et cela concerne également les sites archéologiques et les musées, la muséographie et l’archéologie au Maghreb et dans l’ensemble du monde arabe étant dans un état pour le moins de stagnation ou de longue léthargie sinon de régression pour des raisons d’incurie et de mauvaise analyse de l’importance de la chose et non pas pour des raisons économiques.
Loin de constituer un privilège de pays riches ce que l’Algérie est sur le plan financier, la valorisation du patrimoine qui passe par sa connaissance et son étude a toujours caractérisé les sociétés avancées et en développement du fait que la connaissance de soi et de son histoire permet, renforce les identités et les capacités d’appréhender la modernité et le futur. Ainsi en est il de la méconnaissance de l’histoire des sociétés maghrébines dont les avancements partiels et fragmentaires tiennent principalement aux individualités intellectuelles voire à des dynamismes de petites institutions isolées et mal soutenues par les gouvernements. Si les efforts publics ne manquent pas ici et là en termes d’engagement programmatique, lequel est important en Algérie depuis la mise en place de la Direction générale de la recherche scientifique et de l’innovation technologique, la question des choix scientifiques reste posée dans l’ensemble des pays du monde arabe où la connaissance historique reste enfermée dans les représentations culturelles et idéologiques des élites politiques et administratives faute de débats sur la culture et sur les fondements des nations et des Etats qui en ont l’organisation, la gestion et la responsabilité. Nous poserons ainsi à la suite des analyses de l’ensemble des institutions internationales dans lesquelles sont impliqués les gouvernements africains, la question majeure de la nécessaire activation des interactions entre développement de la connaissance , valorisation du patrimoine et développement durable par l’encouragement de la recherche historique. Cela impose l’engagement de politiques qui mettent la connaissance et l’expertise scientifiques au cœur de l’ensemble des institutions, procédures et programmes de valorisation du patrimoine, la mobilisation des moyens humains et financiers pour la connaissance fondamentale et appliquée étant importante et déterminante du succès à court et à long terme. Car en effet et cela appelle un large et profond débat, la valorisation du patrimoine ne peut résulter de sa réduction au champ des techniques et des procédures que celles ci portent sur l’architecture, la construction ou l’environnement renvoyant en cela comme ailleurs aux grandes leçons tirées par les meilleurs spécialistes de la question , principalement par Françoise CHOAY dans sa critique de la Convention mondiale du patrimoine et dans son analyse radicale des politiques et des démarches « techniciennes » qui font donnent la prééminence aux technologies et à l’effacement de l’existant au détriment des cultures, de l’histoire et de l’homme. « Par patrimoine, écrit elle , il faut comprendre les monuments, les anciens établissements agricoles, les petites villes, les paysages et les réseaux hydrauliques aussi bien qu’un patrimoine d’activités économiques et sociales locales (agricoles, artisanales, etc.). Mais la condition d’une réappropriation de ces constructions et de ces pratiques réside dans le troisième terme de More, dont nous n’avons pas parlé, le projet. Celui-ci doit être conçu comme respect et fidélité au passé des lieux et des communautés qui les aménagèrent, mais il doit aussi être assumé comme innovation à venir, projetée dans le futur par les acteurs locaux, si divers ou opposés soient-ils ».
Encore faut il cependant que l’utopie puisse fonctionner pour le territoire de référence des groupes humains tant les représentations locales et collectives sont aujourd’hui déterminée par les institutions globales et surtout par les logiques de marché et de communication. Nécessitant une connaissance minimale et partagée des processus et des lieux cette définition du projet est loin d’être aisée même dans les conditions de développement permettant la maîtrise sociale et démocratique minimale du rapport des groupes à leur espace de référence.
Dépossédées des savoirs vernaculaires et collectifs locaux qui sont délégitimés et dévalorisés par les processus économiques et culturels, les sociétés du sud connaissent une aggravation de leur perte de contrôle. Elles dépendent de façon croissante de décisions et de pouvoirs externes que les Etats tendent contribuent le plus souvent à surimposer.
3- Le patrimoine objet de transformations nécessaires est une composante des systèmes constitués et des écosystèmes
3-1-L’un des modes de fétichisation du patrimoine consiste à la détacher de l’environnement et à en organiser la sublimation au service de groupes du point de vue du fonctionnement de la mémoire collective (Halbwachs, M.) . Le « culte du patrimoine » (Riegl, A., 1903, , en est le fondement paradoxal qui se concrétise dans le travail social de conservation et de protection. Le patrimoine n’est comme tel qu’à partir de sa transformation à travers les actes divers qui l’instituent. (1992) C’est par exemple ce qu’ a pu montrer dans son travail de thèse Pierre Marie TRICAUD (2010) avec les exemples qu’il a étudiés en s’appuyant notamment sur le travail de Françoise Choay, « l’enjeu d’un patrimoine est sa transmission : celle-ci entre dans la définition même du mot patrimoine, (..). La conservation n’est qu’un moyen au service de la transmission. Or il peut arriver que conservation et transmission entrent en conflit. Ainsi, on peut essayer de conserver un patrimoine en le rendant le plus solide possible sans qu’il y ait besoin de personne pour le gérer : on le conserve, mais on ne le transmet pas à de nouveaux gestionnaires. À l’inverse, la transmission implique le plus souvent une transformation,. « et la conservation « part de l’acceptation que « ce qui a été ne pourra plus jamais se reproduire » (Riegl), qui fonde les théories de Ruskin, de Riegl ou de Brandi .. »
Le patrimoine apparaît ainsi en externalité aux milieux dans lesquels il a été ainsi constitué alors que son origine même s’y réfère et qu’il est la résultante d’interactions positives et créatrices entre les milieux et les sociétés passées et présentes.
3-2 Nous défendons pour cela le principe de continuité systémique entre le patrimoine défini par ses objets et par ses acteurs et les milieux dans lesquels il s’inscrit. Loin de constituer une trace ou une marque du passé et d’être ainsi différencié du présent, le patrimoine constitue en principe, par sa modernité même, l’état du « milieu » ou de la « nature » de façon équivalente à ce que Augustin BERQUE appelle la « fabrication de la nature » instituée – différemment- dans la société chinoise comme dans la société japonaise.
Plutôt donc que de considérer le patrimoine comme une composante parmi d’autres, des éco-systèmes locaux (de l’oekoumène , donc) , nous défendons l’idée que le patrimoine constitue une clef stratégique de compréhension des structures et des dynamiques des écosystèmes.
Le patrimoine urbain ne pourra être de ce fait réduit à l’héritage de périodes historiques considérées comme significative d’une composante civilisationnelle passée. Il associera des réalités multiples constituées autant des espaces significatifs de modes constructifs et de rapports donnés, culturels , historicisés- (la « médina », la ville « européenne » , les « Zhun » , tel quartier « informel » comme Tandja à Setif, Boudghène à Tlemcen, ., Dubaï à El Eulma, etc. ) que de « culturalités » caractéristiques et constitutives des villes et des « quartiers » ruraux considérés comme milieu au sens de l’Ecole de Chicago.
Il en découle des phénomènes de sacralisation et de spécification ségrégative de l’approche et de la jouissance du patrimoine dont l’appropriation par les élites ( conservateurs, spécialistes, classes cultivées) tend à disqualifier le « marais » des populations et des institutions, à diviser le monde social et à rapprocher les décideurs des classes « élues » dans une complicité légitimée par « la compétence culturelle » telle que mise à jour par la sociologie de Pierre BOURDIEU et par les travaux de Michele et Michèl PINçON sur les classes riches.
3-3- Les effets de ces mécanismes et processus d’instrumentalisation sociale du patrimoine indiquent l’intérêt de la critique sociologique et anthropologique des usages du patrimoine aux fins de l’examen des enjeux et des pistes d’action de promotion et de valorisation des patrimoines tels que définis plus haut.
Nous proposons pour cela d’enrichir l’étude des conditions sociales de la patrimonialisation, par son inscription dans l’environnement entendu au sens le plus large c’est à dire en le considérant comme une composante structurante de l’oekoumène.
La question patrimoniale nous permet ainsi de dépasser les différenciations et segmentations communes qui sont faites entre milieu naturel et espace construit et d’associer les enjeux de préservation et de valorisation du patrimoine à ceux de la préservation des milieux dits naturels, physiques, biologiques, lesquels milieux sont constitués par la ville, la campagne, etc.
Cela permet ensuite de traiter les questions concrètes de dégradation et de « régression » des milieux dits naturels c’est à dire de questions environnementales physiques d’une part (érosion, pollution, fragilité des milieux face aux changement climatique,..) et de « désordres » socio-économiques ou socio-spatiaux (régression des économies paysannes et locales, disparition alarmante de l’artisanat, remplacement du commerce de grande échelle et de civilisation par l’association du commerce spéculatif d’affaires et de l’informel de rue,..).
Plus gravement, la situation des patrimoines pâtit d’une substitution généralisée des systèmes productifs industriels constitués selon les modèles des années 50/60 aux savoirs faire et compétences traditionnels. Loin de fonctionner indépendamment des autres systèmes bâtis et de l’économie de la construction et de l’immobilier, les biens patrimoniaux ordinaires, immeubles locatifs et bâtiments privés et publics sont déterminés par le jeu de nombreux facteurs. Nous citerons par exemple la perturbation et les mutations problématiques et méconnues des statuts juridiques des biens, des marchés du logement, des matériaux de construction comme de la main d’oeuvre qui est dominée contradictoirement par de fortes pénuries de compétence, de qualification et de maîtrise, évolution inquiétante de l’état des biens qui, en sus des conditions d’occupation, souffrent du manque d’entretien etc.
4 La dégradation
4-1 Dans ce contexte, l’absence de politiques publiques constitue avec le poids important des ménages à faible revenu, le facteur majeur de dégradation et conséquemment de dévalorisation du bâti ancien par les ménages.
- Les insuffisances de définition de politiques publiques adéquates se traduisent dans les difficultés du Maroc et de l’Algérie à atténuer la crise grave et chronique du logement . Ces difficultés relèvent de causes complexes dans lesquelles les faiblesses et retards des systèmes productifs locaux (nationaux) (DPI, Royaume du Maroc, 2006) (IGHILAHRIZ, Said, 2011) , N. MOUSSA, Déclaration du Ministre de l’habitat, de la construction et de l’urbanisme…2011 , TALEB, Rachid, 2002 à répondre aux besoins résultant de la croissance démographique. notamment des besoins de modernisation et du renforcement des capacités de production du bâti insuffisantes eu égard aux très gros besoins de construction de logements et d’équipements
- Le « retard » de la production de logements qui est généralement expliqué par l’insuffisance du pouvoir d’achat des ménages tient de fait également à la faiblesse de l’offre elle même disparate et dûe à l’absence de structuration et de dynamique du secteur de la construction qui est dominé par des entreprises de type artisanal. Il en résulte plus particulièrement en Algérie, un recours important au marché international mais aussi une forte concurrence entre la demande de construction des ménages et celle des grands marchés publics et privés dans un contexte de retard historique et de faiblesses chroniques de la formation de main d’œuvre.
- Loin de constituer un domaine spécifique dont le traitement requiert une revalorisation ou une « réinvention » de métiers, compétences et produits disparus ou en voie de l’être, principalement en Algérie, le champ de la requalification du patrimoine traduit la gravité même des problèmes de de production et de fabrication de l’espace de qualité ajusté aux héritages et aux demandes de modernité. La valorisation de patrimoines aussi importants que délaissés , ceux de la Casbah d’Alger, de l’ensemble des médinas dont l’état est catastrophique- celle de Constantine en étant tristement exemplaire- ne saurait ainsi être posée en termes –simples- de décisions de protection et de requalification. Elle traduit d’abord l’évolution et la structure du rapport des populations et des institutions (famille, école, administration, organisations,..) à l’espace et à l’environnement physique, naturel, construit et culturel à partir duquel il s’agit d’interroger les questions de la réappropriation et de la « création » des savoir faire locaux que nécessitent aussi bien la demande de logement, de ville et de qualité spatiale que les impératifs de conservation et de requalification des héritages « extraordinaires » et ordinaires.
4-2-Sur les processus
La question patrimoniale quoique différente d’un pays voire d’une région à l’autre pose d’abord et avant tout le problème du rapport des sociétés « arabes », maghrébines, ..à la modernité. Ce rapport complexe et d’ordre anthropologique et historique, d’abord concrétisé dans le rapport au logement, à la construction, aux matériaux à l’espace public et aux matériaux, etc.. traduit le poids déstructurant et traumatisant des modèles exogènes dont la « nature » interfère avec l’histoire coloniale. Il s’inscrit de fait comme composante de « la question post coloniale » (Lacoste, Yves, 2010.
Ce rapport enclenché principalement avec les processus de colonisation est aggravé par des modes de croissance et par des choix et non choix des gouvernants. Ils caractérisent aussi plus largement ceux des groupes et élites qui commandent les systèmes de transformation.
La dégradation se traduit dans ce que nous nommerions le « vandalisme » généralisé et ordinaire, plus ou moins volontaire et en bonne partie généré par des dispositions et pratiques modernistes, impensées qui entérinent les réalités marchandes, culturelles et socio techniques par lesquelles le système des objets (BAUDRILLARD, J., Gallimard, 1968) instaure des habitus destructeurs qui instaure des comportements et réflexes destructeurs.
La conservation même si elle concerne un nombre de biens de plus en plus grand tend ainsi à recouvrir d’une part la détérioration de l’ensemble des héritages « environnementaux » (milieux, paysages et dynamiques)
4-3-Sur les causes du délaissement, nous renvoyons à des questions nombreuses telles celles :
- Des modèles de consommation qui privilégient à priori, les biens importés et définis dans d’autres cadres que ceux du « local »
- des rôles de l’Etat et de leur explication « matérielle » constituée par les « intérêts « et accords » ou sociale faite de « fatalité » ou de construction sociale historicisée dans la continuité de l’administration coloniale
- des liens entre patrimoine, économie, commerce, structures sociales et régime politique du poids des modèles, des processus internationaux tels que traduits par les politiques (externes et internes) et par les caractéristiques des élites et groupes dominants, facteurs et logiques parmi lesquels il y a lieu d’étudier les rôles de l »émigration à l’étranger et du tourisme de villégiature
- la valorisation urbaine et le patrimoine
5 Des principes de l’action durable sur le patrimoine
5-1 –L’inscription nécessaire de la question du patrimoine dans les champs de l’urbain et de l’économie durable
- l’urbain,et par extension, l’équipement, la construction, l’aménagement et la gestion
Du primat de l’expérience et de l’expérimentation
5-2-La durabilité déclinée dans l’action sur le patrimoine c’est :
- la priorité donnée à la dimension sociale et au patrimoine ordinaire et
commun
- la valorisation économique du patrimoine : l’approche
économique :
- créer de la valeur par la qualité et donner à la production de l’espace une
fonction centrale dans la définition des modèles, rompre avec les logiques
de croissance la loi sur la valeur du sol, sur la gestion immobilière sur le
statut des occupants, faire du patrimoine un cadre d’entraînement de la
société par les classes cultivées
5- 3- le rôle majeur de l’Etat et des collectivités locales,
le patrimoine et le développement
Les modèles
La coopération internationale comme outil
5-5-[La durabilité c’est le projet local inscrit dans une dynamique de consolidation du rôle de l’Etat
le projet local
la programmation nécessaire
capacité de programmation par agendas contractuels
priorités et programmations
la sensibilisation
un programme pour une exemplarité de l’Etat
la fiscalité et l’incitation à la jouissance du patrimoine
la formation et la recherche, les corps à constituer et à renforcer
Quelle mise en oeuvre
Les référentiels
Le débat après l’échange et la concertation
La contractualisation
Re: Patrimoine bâti, développement durable et projet local
des efforts interrissants merci bien ramadhan karim
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